Nyon : ils créent un hoodie inclusif en collaboration avec Laura Chaplin !
La marque T-Rebels, fondée dans les ateliers inclusifs de l’association Sweet Rebels, a lancé vendredi dernier un nouveau hoodie en collaboration avec Laura Chaplin.
C’est dans ses locaux aux allures aussi discrètes que conviviales que la marque de vêtement T-Rebels a lancé, vendredi dernier, son nouveau hoodie en collaboration avec Laura Chaplin. Les protagonistes du projet y sont arrivés un par un, un sourire illuminant leur visage, pour concrétiser leur travail. Faisant appel à six dessinateurs en situation de handicap de l’association faîtière Sweet Rebels, la marque veut abattre les barrières sociétales, dressées par l’appréhension des différences, en valorisant, dans la bonne humeur, les particularités de chacun. « Chacun est unique. Chaque personne a des particularités et des problèmes. Notre marque a pour but de diffuser des «good vibes» » confie Mathieu Portenier, responsable développement. Les hoodies, sur lesquels figurent l’oeuvre «Spread the Love» de Laura Chaplin, graphiquement retravaillée par les six dessinateurs, sont actuellement disponibles sur leur site internet. Limités au nombre de 110 et proposés chacun pour la somme de 89 francs, ils sont numérotés et dotés d’une carte d’identification, rendant chaque pièce unique. La conception est également écologique et végane: le coton est certifié biologique et équitable et l’impression est réalisée à Lutry avec de l’encre non-toxique à base d’eau. Ne bénéficiant d’aucune aide, T-Rebels finance chaque collection par la recette de la précédente.
Une rencontre avec Laura Chaplin
Laura Chaplin s’est retrouvée dans ces valeurs. Artiste de 34 ans, il lui arrive souvent de peindre « Charlot », le fameux personnage interprété par son grand-père Charles, dit Charlie, Chaplin qui représente pour elle une grande source d’inspiration. Le sourire, le rire, l’amour et le partage occupant une grande partie de son oeuvre, ses valeurs, ainsi que celles de Sweet Rebels ont très vite « matchés ». Ils se sont rencontrés en 2017 en organisant une exposition sur le thème du rire, puis se sont retrouvés cette année grâce à son oeuvre « Spread the Love» exposée sur une bâche de 1500 m2 recouvrant une partie de la façade d’un projet immobilier à Cointrin. Sweet Rebels avait créé pour l’occasion une animation pour smartphone destinée aux passants. De ce projet a découlé la création du hoodie. « Malgré la situation qu’on vit avec le Covid, il faut rester positif et cet état d’esprit se retrouve dans cette création » affirme Laura Chaplin. Attendue dans quelques mois pour un projet au Cambodge et au Vietnam, elle compte bien revenir pour de nouvelles collaborations avec l’association Sweet Rebels.
Raphaël Ebinger
Six dessinateurs souffrant d’un handicap mental lancent une marque de vêtements. Pour les faire connaître, un clip de rap sera enregistré à Nyon.
Un petit bonhomme jaune et blanc aux lignes minimalistes. C’est la mascotte de style art brut dessinée par une équipe atypique de six dessinateurs en situation de handicap mental. Elle se déclinera dès la fin du mois sur deux tee-shirts qui signent le lancement d’une nouvelle marque de vêtements née à Nyon dans l’atelier Sweet Rebels. Si les premières ventes (sur son site internet) sont satisfaisantes, la gamme pourrait s’agrandir avec des sacs, des chaussettes ou encore des vestes.
«Avec la nouvelle marque, nous pourrons nous projeter sur le long terme»
Mathieu Portenier, en charge de la gestion de projets chez Sweet Rebels Avant de mettre en vente les premiers tee-shirts, d’ici à la fin du mois, une campagne sur les réseaux sociaux est prévue. Elle aura comme outil promotionnel un clip musical qui sera tourné samedi, s’il fait beau, sur la Grande jetée au bord du lac à Nyon. Le réalisateur Vincent Thaon, qui a collaboré avec la RTS, mettra en scène l’équipe de Sweet Rebels avec le groupe de rap genevois Captain of the Imagination, qui a composé une chanson pour l’occasion. Des paroles du morceau sont ancrées d’ailleurs sur les premiers tee-shirts, tels des slogans appelant au respect de la diversité. «L’idée est de sortir des codes en mettant ensemble deux mondes, celui du rap et celui du handicap, qui sont ostracisés, souligne Mathieu Portenier, l’un des professionnels qui encadre les dessinateurs. Cela correspond à nos valeurs et au but de la démarche Sweet Rebels.»
Exemple d’inclusion
L’atelier de design est un exemple d’inclusion, reconnu par la Ville de Nyon, qui lui a attribué le Prix du développement durable en 2019. Créé sous l’égide de la société de communication et de publicité Twist, il met au travail six bénéficiaires de l’AI, qu’il salarie pour deux après-midi de travail par semaine. L’équipe produit la matière première, que des professionnels du design remettent en forme et organisent. Sweet Rebels a ainsi réalisé entre autres des produits dérivés pour la Ville de Nyon, des étiquettes pour de la limonade et du vin, ou encore la carte de vœux des Transports publics genevois en 2019.
Il n’empêche, il est encore difficile de financer une telle démarche. Sans le soutien indéfectible de Twist, celle-ci serait vouée à disparaître. Le lancement de la marque de vêtements répond aussi à ce besoin de débouchés. «Nous parvenons à avoir des mandats de courte durée, mais ce n’est pas toujours possible de faire travailler notre équipe sur des projets concrets, assure Mathieu Portenier. Avec la nouvelle marque, nous pourrons nous projeter sur le long terme, tout en apportant un peu d’argent.»
PRIX DU DÉVELOPPEMENT DURABLE : LES LAURÉATS 2019
La dixième édition du Prix du développement durable de la Ville de Nyon récompense, dans la catégorie « Réalisation de projet », l’engagement exemplaire de l’association Sweet Rebels, qui se voit recevoir le prix de 10'000 francs. Dans la catégorie « Entreprise », le Collège Champittet a été désigné lauréat et reçoit une Distinction honorifique.
Les candidatures déposées dans les deux catégories du prix ont été évaluées par un jury présidé par M. Daniel Rossellat, Syndic, et composé de Mme Elise Buckle, directrice des projets de Climate Action Network International, de Mme Emmanuelle Sierro-Schenk, Directrice de la Fondation Compétences Bénévoles, de M. Thierry Perrin, Administrateur de l’entreprise Perrin Frères SA, de Mme Gea Bonetti, travailleuse sociale au Service enfance, logement et cohésion sociale, de Mme Maria Dahier, cheffe de projets au Service Travaux, Environnement et Mobilité, et de M. Thomas Deboffe, chargé de projets au secteur Energie et Développement Durable.
Catégorie «Réalisation de projet»
Pour guider son choix dans l’évaluation des candidatures, le jury a été attentif à ce que les projets aient un impact local, contribuant à leur échelle à l’atteinte d’un ou de plusieurs Objectifs de Développement Durable fixés par les Nations Unies. L’édition 2019 du Prix est un succès, tant par le nombre de participants que par la qualité des dossiers. Le jury souligne le dynamisme nyonnais en termes de projets culturels, sociaux ou environnementaux, et encourage les candidats non retenus à poursuivre leurs efforts.
L’association Sweet Rebels, lauréate de la catégorie « Réalisation de projet » est un studio de design original et solidaire, accueillant dans son équipe de graphistes des personnes en situation de handicap mental.
Ce qui a séduit le jury
Le jury a été enthousiasmé par la solidarité exemplaire dont fait preuve Sweet Rebels depuis 2015. Grâce à son studio de design novateur, l’association offre une intégration professionnelle et sociale aux personnes en situation de handicap mental. En valorisant leur créativité artistique, l’association démontre la pertinence d’une économie sociale et solidaire. En parallèle de ces dimensions socio-économiques, le jury a apprécié que Sweet Rebels s’engage également sur le plan environnemental, à travers sa participation à diverses actions de sensibilisation et la mise en oeuvre de sa politique d’achat et de production responsable.
Elles sont déjà engagées dans un processus de développement durable, mais à la COP25, 500 entreprises ont annoncé leur volonté d’aller beaucoup plus loin. Elles se sont engagées à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre à net zéro d’ici à 2030, soit 20 ans plus tôt que la cible fixée par l’Accord de Paris, afin de garder le réchauffement climatique sous la barre des 1,5ºC. Parmi elles, 15 PME suisses, dont près de la moitié sont vaudoises, qui répondent déjà aux normes élevées de BCorp en matière de performance sociale et environnementale, de transparence et de responsabilité légale.
Certaines sont axées sur la production d’aliments bios ou de proximité. Comme la valaisanne Opaline, qui produit des jus et limonades, ou la genevoise Magic Tomato qui offre des produits frais livrés à domicile. Côté vaudois, les domaines de ces PME militantes sont très variés. Il y a l’entreprise Baabuk, basée à Renens, qui produit des chaussures en laine, la société ecoRobotix, qui a mis au point à Yverdon un robot pour éliminer les mauvaises herbes dans les cultures, l’agence de communication B+G & Partners SA, basée à Montreux, ou encore One Creation Cooperative, à Vevey, qui soutient l’essor de technologies de l’environnement. Mais aussi une petite structure comme Sweet Rebels, un atelier de design installé à Nyon, qui a développé la responsabilité sociale en entreprise en intégrant des jeunes en situation de handicap mental.
«C’est l’aspect sociétal, la forme d’inclusion et de gouvernance que nous pratiquons qui nous ont motivés à faire la certification B Corp. S’engager en plus contre le changement climatique nous semblait évident, même si nous ne sommes pas à proprement dit une société de production», explique son directeur, Yves Portenier. Pour atteindre l’objectif de zéro émission de C02 en dix ans, il compte sur l’appui de la branche suisse de BLab, organisation à but non lucratif globale «qui soutient une communauté de personnes qui utilise le monde des affaires comme une force pour l’intérêt général».
«Nous allons dès janvier prochain former un groupe de travail qui va aider ces entreprises suisses à faire cette démarche, avec l’espoir que d’autres leur emboîteront le pas», explique son fondateur et directeur exécutif, Jonathan Normand. Concrètement, il s’agira pour chacune d’analyser le cycle de vie de ses produits et de voir comment elle peut réduire son empreinte carbone et ensuite, d’identifier des programmes de compensation, comme la réhabilitation des sols ou la plantation d’arbres.
Sweet rebels : un studio atypique, intégrateur de talents
Interview d’Yves Portenier, directeur du studio de design Sweet Rebels à Nyon et visite du studio lors d’une séance créative par Sarah Cornaz
Muni d’un solide parcours professionnel dans les domaines de la communication et de la création visuelle en France et en Suisse, Yves Portenier a ouvert sa première agence en 1998 à Lausanne puis l’agence de communication et de publicité Twist à Nyon en 2008. En 2016 il y intègre une deuxième entité, Sweet Rebels.
La naissance de Sweet Rebels
Rien ne prédestinait Yves Portenier à créer une entreprise employant des personnes en situation de handicap. Il n’avait pas de formation dans le social et aucun lien avec le monde du handicap. Mais alors pourquoi cette idée de créer une entreprise intégrative ?
Le désir d’effectuer un emploi en accord avec ses valeurs sont à la base de ce projet. « Je pense que j’ai toujours été en recherche de sens et durant les années où j’ai œuvré dans les agences de communication cela n’est pas ce qui était courant. On était dans le pur mercantile qui nous amène parfois à faire de la promotion de produits qui peuvent être dangereux pour la santé, comme la cigarette par exemple. J’ai alors progressivement commencé à orienter mon activité auprès d’entreprises qui en valent la peine selon moi. »
Forte de son expérience dans la responsabilité sociale en entreprise (RSE), sa compagne Isabel Montserrat a ensuite rejoint l’aventure. Le but de la RSE qui repose sur trois piliers - l’économie, l’environnement et le sociétal – est l’application du développement durable dans une stratégie de gouvernance et d’action d’une entreprise. Dans le sociétal il y a une dimension intégrative de la diversité quelle qu’elle soit.
Mais comment intégrer cette démarche de responsabilité sociale au sein même de l’entreprise Twist ? Une rencontre à Barcelone avec un ami d’Isabel Montserrat qui avait un parcours similaire et avait monté un studio de création visuelle graphique inclusif a alors permis de démarrer le projet. « Cela nous a donné le déclic : c’est génial cette idée ! On a trouvé ça magnifique ! » nous dit Yves Portenier.
C’est alors que ces deux amateurs d’art brut ont créé leur entreprise fondée sur deux piliers essentiels : l’humain et le créatif, partant de la profonde conviction que « personne n’a moins de valeur qu’une autre ». Cela n’est pas une entreprise qui a pour unique but d’intégrer des personnes en situation de handicap mais également un projet alliant l’artistique et le créatif. « Nous nous sommes dits alors que l’art brut pouvait correspondre aux personnes en situation de handicap et qu’elles seraient peut-être à même de travailler dans cette idée-là ».
Ainsi naît une deuxième entité de Twist en 2016 composée du même noyau d’employés de base mais complété par 5 personnes en situation de handicap.
La constitution de l’équipe de travail
Tout s’est fait un peu au hasard des rencontres et des discussions. « Au départ on a pris contact avec les institutions de Lavigny et de l’Espérance ». Soucieux de ne pas empiéter sur le travail effectué par les institutions, Yves Portenier a présenté son projet à la direction ainsi qu’à l’équipe éducative et aux résidents. Il leur a présenté ce qu’il se faisait à Barcelone afin de rendre le projet plus concret. « Nous avons eu droit ensuite à un local au sein même de l’institution afin d’y organiser deux après-midi par semaine une simulation de séance de travail avec les personnes intéressées au projet. Cela nous a permis de voir qui pouvait correspondre à nos exigences professionnelles. C’était vraiment un choix mutuel ! » Il fallait évaluer et prendre en compte plusieurs enjeux de taille comme le type de travail à effectuer mais aussi la capacité à collaborer doublée d’une certaine autonomie pour pouvoir rejoindre les locaux à Nyon de manière individuelle.
Le choix du nom
Une fois l’entité créée, il a fallu lui donner un nom. « Nous l’avons inventé ensemble avec l’équipe, on les a fait réfléchir. En termes de communication et création il y a toujours une petite touche un peu rebelle dans le style, on ne fait pas la même chose que les autres. C’est aussi une expression remplie d’émotion. La notion de doux nous a été inspirée par l’ambiance de travail que cela génère. Avec des personnes dites « normales » les enjeux ne sont pas les mêmes. On n’a pas la douceur et l’émotion qu’on a avec l’équipe ici. Ce sont des choses que l’on a appris, que l’on ne connaissait pas au départ. C’est ce côté rebelle, différent du cadre mais avec cette douceur et cette émotion importantes…le contraste entre les deux nous a séduit tout de suite ». A l’unanimité le nom de Sweet Rebels a alors été donné à cette entreprise de design pas comme les autres.
Une séance créative chez Sweet Rebels
Il est 14 heures, les employés en situation de handicap arrivent les uns après les autres et rejoignent l’équipe en place constituée du directeur de l’entreprise et de deux collaborateurs. Ils viennent deux fois par semaine au bureau. Le reste du temps ils travaillent à l’Espérance et à Lavigny. « Les personnes viennent à des jours fixes dans la semaine, deux après-midi car autrement cela serait un peu compliqué pour certains. Cela donne un rythme ainsi qu’une idée d’appartenance » nous explique Yves Portenier. Aujourd’hui ils sont 4, un collègue est absent.
Chacun aide à préparer la table de travail, dans le calme. Il faut sortir les peintures, les feuilles et les pinceaux, mettre les t-shirts pour la peinture.
La séance créative collective peut commencer, en musique et dans la bonne humeur. C’est ce que l’on appelle un brief créatif. « C’est l’étape de base essentielle dans toute entreprise de design » nous apprend Yves Portenier. « On étudie la demande du client que l’on doit traduire dans un brief : quelles sont les solutions que l’on peut mettre en place et comment on les imagine au niveau créatif ? » poursuit-il.
L’objectif est de délivrer un produit qui corresponde aux besoins du client. Dans le cas particulier de cette entreprise intégrative, le brief est traduit en images « parce que l’on a remarqué que c’est ce qui fonctionnait le mieux. On ne peut pas se baser uniquement sur les mots car certains vont s’endormir, cela va les ennuyer. L’image est bien plus parlante alors on prépare la séance avec des images ». Ce jour-là il s’agit de plancher sur le thème de la journée de la Paix du 21 septembre. Une dizaine d’images sont proposées, certaines font rire tout le monde. Emilie Adler semble très inspirée par le symbole de la paix qu’elle va reproduire en y ajoutant des cœurs. « J’adore les cœurs » nous dit-elle, « c’est ma forme préférée ». Elle regarde sa montre. Elle a peur de rater son bus et elle doit partir à 15h47 précises. Elle me glisse ensuite à l’oreille qu’elle « aimerait bien parler avec moi après » (ndlr répondre à mes questions).
Les discussions vont bon train : les copines, les amis, la vie en institution et les conflits qu’il peut parfois y avoir, la musique, les problèmes de sommeil et de poids. Les sujets sont multiples et variés, allant des petits tracas du quotidien aux réflexions plus profondes sur les difficultés liées au handicap. « Les gens me regardent à la place de me parler » nous dit Joakim Hof tout en dessinant un fusil rose qui tire une fleur, symbole de paix. « Les enfants surtout… les petits de 1 ou 2 ans » poursuit Emilie Adler. Elle ajoute « j’ai changé ma coiffure (ndrl pour une coiffure plus courante) mais la trisomie ma foi, je ne peux rien faire ». « J’aime bien les gens qui viennent ici. J’aime bien vous voir ici. J’adore ! » s’exclame soudain Joakim Hoff.
L’atmosphère est appliquée. Les professionnels passent voir les créations tout en discrétion, ils demandent des précisions, donnent quelques conseils. Parfois cela demande quelques réajustements nous dit le directeur. « Si on parle de cartes de vœux certains ne vont faire que des sapins de Noël. On dessine parfois avec eux pour donner d’autres idées ».
Le travail consiste ensuite au scannage des dessins. Puis vient le travail graphique pour créer un produit à la hauteur de la demande du client. Les employés sont « partie prenante de tout le processus, ils peuvent voir les produits finis et choisissent leur projet préféré ».
C’est un jour particulier, Ursula a fêté ses 44 ans il y a quelques jours. « Ici il faut fêter les anniversaires, c’est important » nous précise Yves Portenier. Tout le monde se met à chanter et la séance de travail se termine par un moment de convivialité autour d’un gâteau.
Vient ensuite l’heure du rangement et tout le monde repart chez soi.
Les clients de Sweet Rebels
Au début ce sont principalement des établissements socio-éducatifs qui se sont intéressés à Sweet Rebels. Puis il y a eu d’autres entreprises comme les boissons Opalin, les Hôpitaux Universitaires Genevois, la ville de Nyon et la loterie romande par exemple. « L’enjeu est aussi de réussir à sortir du monde du handicap et avoir d’autres types d’entreprises. L’objectif est d’élargir un peu car si l’on regarde le nombre d’heures de travail et ce que l’on peut réellement facturer, on est toujours perdants. Nous avons énormément d’heures de bénévolat. Les budgets ne correspondent pas au travail fourni. Notre survie ne pourra donc passer que par des entreprises de l’économie privée ».
N’ayant pas suffisamment de mandats actuellement, Sweet Rebels travaille sur des messages de sensibilisation à la diversité et de promotions diverses mais non rémunérées.
Les forces de Sweet Rebels
Premièrement la différence. « Il y a un style, une expression totalement autre ». L’enjeu est que les entreprises adhèrent à cette différence mais cela n’est pas toujours évident. « Il y a parfois des craintes par rapport au handicap, au côté naïf… il y a beaucoup de barrières encore bien qu’en terme de communication cela transmet énormément d’émotions et de valeurs ». Yves Portenier reste confiant. « Je pense que cela se fera petit à petit. Les clients sont souvent très frileux même s’ils trouvent cela génial ! ».
Une autre force est l’orientation des actions de Sweet Rebels sur des entreprises qui ont des programmes RSE. « Cela permet aux entreprises de démontrer qu’ils agissent dans ce sens-là et sur le plan sociétal c’est aussi une solution de valoriser un achat responsable plutôt que d’acheter un produit fait en Chine et dont on ne sait pas par qui il a été conçu. Cet enjeu de l’achat responsable est très important aujourd’hui, acheter local et si possible dans des entreprises de valeur. Cela permet aux entreprises de communiquer comment le travail a été fait et cela peut avoir un impact positif ».
Sweet Rebels offre une réelle valeur ajoutée en terme d’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap et correspond ainsi entièrement aux objectifs de la Convention relative au droit des personnes handicapées (CDPH), ratifiée en 2014 par la Suisse, incluant leur participation active à la vie sociale. Une belle entreprise, doucement rebelle mais fortement engagée dans la participation sociale des personnes en situation de handicap.
Interview d’Emilie Adler – morceaux choisis
Qu’est-ce que vous aimé dans le travail ici ? Je suis bien. C’est un vrai métier pour moi.
Et l’ambiance ? Bien, nickel.
Qu’est-ce que vous avez produit ici ? Peinture, néo color, crayon, feutre. On a fait par exemple pour la journée de la trisomie.
Quel projet vous a le plus plu ? La pharmacie de mon papa. La pharmacie à Coppet pour faire un logo.
Et d’autres projets ? Laura Chaplin (ndlr Laura Chaplin a travaillé à la mise sur pied d’une exposition avec les collaborateurs de Sweet rebels en 2016). On a vu l’exposition. Je me suis sentie bien, c’est cool.
Y’avait-il des choses difficiles ? Non tout facile. Les difficiles je fais pas.
Etes-vous stressée parfois par le travail ? Non… juste l’heure !
Y a-t-il des différences entre le travail à l’institution et ici ? Ici c’est plus sérieux comme travail. A l’institution ils sont là pour m’aider.
Sérieux dans quel sens? Parce que c’est des personnes qui travaillent ici.
Interview de Joakim Hoff – morceaux choisis
Qu’est-ce que vous aimez dans le travail ici ? J’aime bien faire du crayon, neocolor, stylos feutres, pinceaux. C’est la peinture que je préfère, j’adore ça.
Qu’est-ce que vous apporte ce travail ? Ça me fait voir beaucoup de choses. Déjà par ex j’avais fait un tableau dans un cadre et mon père a voulu l’acheter. C’était très coloré. Il y avait la tête au neocolor et tout autour de la peinture, c’était très coloré. Il l’a acheté et c’est chez moi dans le salon maintenant. J’ai bien aimé faire ça.
Ici qu’est-ce que vous avez produit ? On a fait la peinture. L’imagination que j’ai dans la tête ça me fait beaucoup de projets et je pense que c’est vraiment une bonne chose. Je dis aux gens ce que je fais ici et ils s’intéressent.
Votre meilleure souvenir ? Le cirque. On a dessiné un acrobate et trois clowns. Un clown vieux, un fâché et un qui rigolait.
Est-ce qu’il y a eu des choses difficiles au début ? Certains motifs à faire… des fois c’était un peu difficile comme une fois sur le rire.
Comment ça se passe une après-midi ici ? Je viens depuis Morges avec le train qui fait Morges-Nyon direct, pas d’arrêt avant. Quand j’arrive là c’est un changement, un autre point de vue, un autre monde, un autre endroit.
C’est bien ou pas ? Pour moi ça se passe très bien. Y’en a qui ont peur parfois car c’est tout nouveau.
Mais vous au début vous n’aviez pas la peur de l’inconnu ? Non. Une fois ça m’est arrivé à l’école car j’ai changé et c’était tout nouveau mais les profs étaient très sympas. Ici je ne savais pas ce qui m’attendait mais j’étais pas stressé. Je savais que j’allais voir des gens autrement, ça c’est chouette.
Economie inclusive
Ursula, 43 ans, aime les cœurs. Elle s’applique à en dessiner de toutes les couleurs sur une feuille blanche. L’un d’entre eux héberge trois personnages qui semblent former une famille. Emilie, 24 ans, reproduit avec un épais feutre noir des oiseaux sur un fil. «Dessiner, c’est mon métier», dit-elle sans décoller le regard de son travail. «C’est moins fatigant que de travailler dans un jardin», ajoute, pour sa part, Joakim, 26 ans, qui aime évoquer ses copines et l’anniversaire auquel il se réjouit de participer.
Yves Portenier, le directeur du studio de design Sweet Rebels, observe ses employés d’un œil attentif. Il les guide, leur donne quelques conseils mais tient à conserver la fraîcheur de leurs œuvres. Il en extrait certains éléments qu’il scanne. Puis, tout un travail de composition est réalisé pour fournir aux clients aussi bien des étiquettes de limonade, des cartes de vœux, des livrets, des identités visuelles que des illustrations qui donneront de la couleur à des brochures d’informations.
Intégrer les différences
Créé en mars 2016 à Nyon, Sweet Rebels est un studio de design hors du commun qui emploie des créateurs en situation de handicap mental. «Je ne connais pas leur trouble et cela ne m’intéresse pas», affirme Yves Portenier, assis dans la cafétéria de son entreprise, les bras croisés sur son t-shirt de triathlète.
Le directeur de l’entreprise n’est ni assistant social ni éducateur. «J’ai juste la volonté d’intégrer des personnes différentes», note ce designer qui a travaillé dans les agences de publicité Heimann DMB&B, puis chez Saatchi&Saatchi. Il en est devenu le directeur de création en chapeautant les agences de Nyon et de Zurich. Avec un associé, il a, par la suite, testé la voie de l’indépendance en fondant sa propre agence à Lausanne. «Cela marchait bien. Nous avions 15 employés et des clients comme la BCV, l’OFAC, l’Office du tourisme du canton de Vaud ou Ringier, par exemple», se souvient-il.
Pourtant, Yves Portenier préfère renoncer à Angebault Portenier, son agence lausannoise. «Je n’étais pas à l’aise avec certains mandats, avec l’idée de vendre des choses inutiles, voire contraires à mes valeurs. Le design est un domaine archisuperficiel mais dessiner, c’est la seule chose que je sais faire», estime cet autodidacte qui a arrêté son apprentissage de graphiste à 17 ans pour bourlinguer dans le sud de la France où il a appris le métier sur le tas. «J’ai eu une scolarité relativement correcte jusqu’à l’âge de 13 ans à Fribourg», se souvient-il. Son père exerçait son métier d’architecte et sa mère, pied-noir, s’occupait de ses quatre enfants. «Lorsque mes parents ont divorcé, je suis allé vivre dans la famille de mon père à Berne. A cause de la langue, j’ai décroché.» Son regard bleu et rêveur se remémore des souvenirs qu’il ne semble pas prêt à partager.
Quête de sens
Il fait une pause. Le timbre de sa voix reste calme et l’expression de son visage demeure concentrée. Aujourd’hui père de quatre enfants, il explique la raison qui l’a poussé à créer Sweet Rebels. «J’ai toujours été à la recherche de sens et d’humanisme. Et j’ai une forte sensibilité à la différence», analyse-t-il.
C’est sa compagne, Isabel Monserrat, qui va lui donner l’impulsion finale. «Elle a un parcours dans la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Avec elle, j’ai visité un studio de design à Barcelone qui emploie des personnes en situation de handicap.» Yves Portenier est séduit. «Cela résonnait avec ma quête de sens. C’est bien beau d’être sensible aux valeurs sociales et éthiques, mais concrètement qu’est-ce que l’on fait?» s’interroge ce sportif de 59 ans qui n’hésite pas à se lancer dans des semi-Ironman.
Cinq employés
Il intègre sa compagne à sa nouvelle agence Twist et construit avec elle Sweet Rebels, une entreprise capable d’allier le geste à la parole. Le couple, grand amateur d’art brut, prend des renseignements auprès de l’assurance invalidité pour ne pas mettre en danger les rentes des personnes employées. Celles-ci viennent deux après-midi par semaine et reçoivent un salaire – par le biais des institutions de Lavigny et de l’Espérance – qui est un complément à leur rente. Actuellement, cinq personnes travaillent chez Sweet Rebels. «Nous nous choisissons mutuellement. Ma seule exigence est qu’ils puissent venir seuls au studio.»
Il y a deux ans, Yves Portenier contacte aussi les services d’immigration afin d’engager une personne avec le statut de réfugié politique. Arrivée en Suisse en 2013, Alev Demir finalise aujourd’hui sa troisième année d’apprentissage chez Sweet Rebels. «J’étais journaliste dans un journal d’opposition à Istanbul. J’avais le choix entre partir à l’étranger ou aller en prison», témoigne la jeune femme d’origine kurde, qui termine sa formation.
Les clients se font rares
Constituée sous forme d’association à but non lucratif, Sweet Rebels ne bénéficie d’aucune subvention étatique. Cette société tire ses revenus uniquement de ses mandats. «Nous ne sommes pas un atelier protégé encadré par des éducateurs», précise Yves Portenier, qui a convaincu des clients comme la fondation Opaline, la ville de Nyon, les HUG, Aigues-Vertes ou le Lions Club de la Côte. Le studio peine toutefois à trouver de nouvelles demandes. Les budgets dans le secteur s’amenuisent. «Et notre style spontané et déstructuré détonne et peut faire peur aux entreprises, qui veulent souvent une communication visuelle plus sobre et plus léchée. Nous avons de bons contacts avec des multinationales qui se positionnent dans la RSE. Mais cela ne donne rien en termes de contrats, se désole-t-il. Ce sont les start-up technologiques qui ont le vent en poupe. Pas les start-up sociales.»
Fondée en mars 2016, Sweet Rebels tente de joindre les deux bouts grâce à la deuxième entité d’Yves Portenier, l’agence de communication Twist. «Je me laisse encore une année avec Sweet Rebels, dit celui qui ne regrette rien. Travailler avec des personnes handicapées ouvre des perspectives différentes. Humainement, c’est très nourrissant.»
Profil:
1988: Designer chez Heimann DMB&B.
1994: Designer et directeur de création pour Saatchi & Saatchi.
1998: Création de l’agence Angebault Portenier à Lausanne.
2008: Création de l’agence Twist à Nyon.
2016: Création du studio de design Sweet Rebels à Nyon.
Ghislaine Bloch
Solutions
C’est un studio de design graphique comme les autres, ou presque. Chez Sweet Rebels, à Nyon, on crée des logos, des affiches, des étiquettes de bouteilles, et toutes sortes de supports de communication visuelle. La particularité de cette agence, c’est qu’ici, les artistes sont principalement des personnes en situation de handicap, encadrées par un directeur, Yves Portenier, une apprentie et, à l’occasion, des stagiaires étudiants en arts graphiques. «Nous avons tous des capacités et des talents différents et uniques. Nous sommes tous des créatifs», souligne un texte de présentation de Sweet Rebels au ton très égalitaire.
Des artistes prolifiques
Ce jour-là, l’équipe oeuvre à la production d’un visuel de promotion des Special Olympics, qui se sont tenus à Genève à la fin de mai. «Nous faisons souvent des travaux en lien avec l’intégration sociale, explique Yves Portenier. La sensibilisation à cette question fait partie des buts de l’agence.» Après avoir expliqué le principe de ces Jeux olympiques pour personnes en situation de handicap mental, le graphiste et fondateur de Sweet Rebels lance: «Nous allons essayer de faire une illustration pour dire que nous soutenons ces jeux. Ça vous branche? » Émilie Adler est enthousiaste: «Ouais! Je vais travailler sur la flamme.» Et de se mettre illico à peindre une flamme olympique, avant d’enchaîner avec une série de judokas très stylisés. Ursula Künzi s’attache quant à elle à dessiner des cyclistes, et Joakim Hoff s’intéresse au golf et à la natation.
«J’aime bien faire ça, c’est mon métier, proclame Émilie. Je suis fière quand je vois mes dessins sur une affiche ou ailleurs.»
Trouver des mandats payés
En peu de temps, les artistes peignent toute une série d’images, qu’Yves Portenier scannera et retravaillera ensuite pour les mettre en page sur des communiqués, newsletters et autres. Si, en l’occurrence, il ne s’agit pas d’un mandat rémunéré, Sweet Rebels a déjà travaillé pour la Ville de Nyon, les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), une marque de limonade ou le Lion’s Club, entre autres. «Vu que nous ne touchons pas de subventions, la seule manière de pérenniser notre projet, c’est d’obtenir des mandats payés, précise le directeur. C’est toute la difficulté. Sur le principe, certains clients trouvent géniale l’idée de Sweet Rebels, mais ils n’osent pas faire le pas. Nous sommes trop en rupture avec le style de graphisme très épuré qu’on apprécie en Suisse.»
Mandat rémunéré ou non, Ursula, Joakim et Émilie, présents depuis la fondation de Sweet Rebels il y a un peu plus de deux ans, sont payés pour leur travail, par le biais des institutions dans lesquelles ils vivent. Pour Yves Portenier, cette activité à laquelle il consacre plus de la moitié de son temps de travail s’apparente souvent à du bénévolat. Mais sa motivation est ailleurs: «J’ai toujours été à la recherche de sens dans ce que je fais. Dans la communication, ce n’est pas toujours évident.»
Antoine Grosjean
(Encadré) Le problème
Permettre aux personnes en situation de handicap d’exercer une activité professionnelle est un pas important vers une plus grande autonomie et une meilleure reconnaissance sociale. Mais les activités qui leur sont généralement proposées ne sont pas forcément très valorisantes et en tout cas rarement créatives. AN.G.
Cette semaine l’émission culturelle est placée sous le signe du rire.
D’abord avec une exposition signée Sweet Rebels – un studio de graphistes qui place l’intégration de personnes en situation de handicap mental, au cœur de son travail. Le studio a collaboré avec Laura Chaplin, petite fille de Charlie Chaplin, afin de donner forme à près de 50 œuvres sur le thème du rire.
Le calendrier de l'avent de l'institution est illustré pour la première fols par des travailleurs en situation de handicap.
«Moi, c'est l'artiste Emilie». Une phrase de présentation lapidaire mais qui en dit long sur la fierté éprouvée par la jeune femme. Emilie Adler, Caroline Faivre, Ursula Kuenzi et Joakim Hoff sont les quatre artistes à l'origine de l'illustration du 53e calendrier de l'avent de l'Institution de Lavigny. Pour la première fois de son existenœ, l'institution a souhaité confier la création de son traditionnel calendrier à des travailleurs en situation de handicap. D'habitude, ces derniers participent à l'opération en collant, pliant, conditionnant le calendrier et en insérant les bulletins de versement. Cette fois-ci, ce sont également eux les artistes. Emilie Adler et Ursula Kuenzi travaillent dans des ateliers de !'Espérance à Etoy, tandis que Caroline Faivre et Joakim Hoff œuvrent aux ateliers de production de Peyrolaz de l'Institution de Lavigny, à Morges. Deux après-midi par semaine, les quatre jeunes se rendent, de façon autonome, à Nyon pour créer au sein du studio de design graphique «Sweet Rebels».
Cest à ce «studio atypique, intégrateur de talents» qu'a été confiée la réalisation de l'œuvre 2017 emblématique de l'Institution de Lavigny.
Le calendrier de l'avent 2017, coloré, joyeux, au père Noël cosmique, sera distribué le 24 novembre en tous ménages dans 900 000 foyers de toute la Suisse romande. Pour l'lnstitution de Lavigny et d'autres à qui elle sous-traite la fabrication du calendrier, c'est une occasion de donner du travail à une centaine de personnes en situation de handicap. Mais c'est, au-delà de l'investissement, de l'ordre de 300 00 francs, une manne bienvenue pour l'Institution de Lavigny. En 2016, les bénéfices s'étaient élevés à 270 000 francs. Ils servent à financer des projets essentiels pour l'avenir de la fondation, tels que la rénovation des anciens foyers d'hébergement. Un projet devisé à 9 millions, auquel la fondation doit participer à hauteur de 20%. Jll
Par Benoît Cornut
L’Institution de Lavigny a présenté son traditionnel calendrier du mois de décembre. Pour la première fois, ce sont des personnes en situation de handicap qui ont réalisé l’illustration.
La différence est une chance porteuse de richesse.» Plus que jamais, la réalisation du Calendrier de l’Avent est l’illustration de la philosophie de l’Institution de Lavigny. Car s’il est coutume pour les employés de ses ateliers de participer à des étapes du processus créatif telles que le pliage ou le collage du calendrier, ils sont allés plus loin cette année. Quatre personnes en situation de handicap travaillant dans l’institution ont ainsi réalisé le graphisme de l’oeuvre. Ce dernier a donc été confié à un collectif d’artistes plutôt qu’à un seul, une autre originalité marquante de cette édition 2017. C’est l’agence de communication Sweet Rebels qui a été mandatée par l’institution pour créer l’illustration du calendrier.
Sweet Rebels se décrit comme un studio atypique intégrateur de talent. Né il y a un an et demi avec des velléités à la fois sociales et artistiques. Les premières se concrétisent avec l’inclusion de personnes en situation de handicap dans l’équipe. «Un autre volet est aussi d’intégrer les jeunes en formation, explique le directeur de création Yves Portenier. Parce qu’on sait que mettre les pieds dans le monde professionnel, surtout dans notre domaine, est compliqué.»
Le processus de création se veut extrêmement visuel. «Notre fonctionnement est à la fois simple et particulier, raconte Yves Portenier. Il y a au départ une demande du mandant, avec une réunion qui se fait principalement à base d’images, ce qui est le plus facile pour des personnes en situation de handicap. Chacun peut ainsi s’inspirer des éléments qu’il souhaite et n’a pas à s’encombrer de textes. Les artistes réalisent leurs oeuvres que l’on rassemble ensuite et que l’on sélectionne. Tout au long du processus, il y a aussi l’appui de spécialistes conjoints pour en constituer un délivrable professionnel.»
La volonté artistique, elle, tend à se rapprocher de l’art brut tout en conservant la dimension traditionnelle. «C’est tout le challenge, il faut respecter le côté historique du calendrier tout en apportant une touche nouvelle et originale, raconte Yves Portenier. Nous sommes partis sur cette idée d’inclusion globale, en intégrant l’Univers entier, avec toutes les planètes et une thématique proche du Petit Prince.» C’est donc avec l’ambition d’amener la modernité et la différence dans la dimension traditionnelle que les dessins des «Sweet Rebels» ont été créés. «Il y a l’intégration d’une expression visuelle très spontanée, gaie et chargée en émotions, décrit Yves Portenier.»
Et si les quelque 900 000 Romands devront attendre le mois de décembre pour pouvoir apprécier le travail des «Sweet Rebels», les artistes ont déjà pu faire part de leur joie de participer à un tel projet. «Quand tu sais qu’une de tes créations va être distribuée ailleurs, c’est sûr que c’est une fierté», sourit Caroline Faivre.
Envoyé en tous ménages dans toute la Suisse romande pour la 53e fois, le Calendrier de l’Avent est devenu une tradition dans notre contrée francophone. «Certaines personnes nous le réclament avant sa distribution, c’est dire si les Romands se le sont approprié», sourit Thierry Siegrist, directeur général de l’Institution de Lavigny. Mais il est aussi une source de financement importante pour la fondation à but non lucratif. «Cette collecte de dons permet de nous soutenir dans des projets essentiels à notre avenir, comme la rénovation de foyers d’hébergement de l’institution.»
«C'est une fierté et une chance de porter ce nom de Chaplin!» Laura, petite-fille de Charles, a mis son talent d'artiste-peintre au service de l'association Sweet Rebels créée en mai 2016. Un studio créatif dont les artistes sont des personnes en situation de handicap mental. Depuis septembre, la jeune femme a ainsi travaillé avec quatre jeunes à la mise sur pied d'une exposition sur le thème du rire, dont le vernissage a eu lieu samedi dernier dans les locaux de l'agence de communication Twist.
«Ces personnes ont une grande imagination. Ils s'expriment sans blocage, avec beaucoup de spontanéité», observe encore Laura Chaplin, qui avait participé à des opérations similaires avec des enfants. Aux murs sont accrochés des dessins très colorés, avec quelques portraits de Charlot. Une vidéo tournée lors des séances de dessin était également diffusée. «Ce furet des moments riches en échanges et en émotion», poursuit l'artiste dont l'atelier se trouve à Montricher.
Un engagement salué par Yves Portenier. Créateur, en 2008, de l'agence Twist, et pilier de l'association, il a contacté la petite-fille de Charlie Chaplin par un simple mail en lui expliquant la démarche de Sweet Rebels.
Dans le cadre d'un partenariat avec les institutions de Lavigny et !'Espérance, des personnes en situation de handicap viennent deux fois par semaine dans les locaux de l'agence. «Nous avons voulu monter un studio créatif qui intègre les différences, qui allie valeurs humaines et engagement social», explique-t-il. La Ville de Nyon, les HUG ou encore le Lions Club de La Côte ont déjà fait appel à l'association pour diverses réalisations (logos, étiquettes ... ). Le calendrier de l'avent de l'Institution de Lavigny mettra également en avant ces réalisations. MCF
Die Menschen zum Lachen bringen, das wollte schon ihr berühmter Grossvater Charlie Chaplin (+ 88). Ein Erbe, das Laura Chaplin (30) von ganzem Herzen weiterführt. Das drückt die Malerin nicht nur mit ihrer eigenen Kunst aus, sie inspiriert auch andere. Aktuell sind dies Menschen wie Ursula mit geistiger Behinderung, die für das Designstudio Sweet Rebels in Nyon VD künstlerisch tätig sind. «Es war sehr bereichernd, mit ihnen zusammenzuarbeiten. sle haben elnen ganz anderen und oft auch direkteren Zugang zur Kreatlvltät, und zum Lachen sowieso», so Laura Chaplin.
«Lachen», lautet auch das Motto der Werke, die derzeit in Nyon ausgestellt sind. Laura Chaplin hofft, dass daraus mehr entsteht und die Mitarbeiter von Sweet Rebels viele Aufträge bekommen. «Von den Bildern können Weihnachtskarten gedruckt werden. Man kann aber auch eln Logo gestalten lassen», freut sich Chaplin, die bereits ein Buch mit dem Tite! «Lachen ist der erste Schritt zum Glück» herausgegeben hat. Sie ist überzeugt, dass Lachen ein Menschenrecht ist.
«Es begegnen einem überall zu viele triste Gesichter, sei es im Zug oder beim Einkaufen. Das ist schade. Denn ich bin sicher, dass Lachen eine heilende Wirkung auf uns Menschen hat.» Katja Richard
Le studio de design Sweet Rebels emploie à temps partiel des personnes en situation de handicap mental. Une démarche forte en faveur de l’intégration sociale.
Texte: Thomas Pfefferlé
Photos: Vanina Moreillon
En permettant à des personnes en situation de handicap mental d’exprimer leur créativité au sein d’une agence de graphisme, l’association Sweet Rebels s’est lancée dans une démarche aussi audacieuse qu’exemplaire. Fondée en 2016 et très engagée sur le plan social, elle collabore étroitement avec des personnes atteintes de différents troubles mentaux, à raison de deux après-midi par semaine. Un engagement qui permet d’ouvrir les frontières et de briser les codes au sein des professions graphiques et créatives, tout en permettant aux personnes concernées de s’intégrer davantage dans la société.
CRÉATIVITÉ SANS LIMITES
«Ce projet est né il y a un an sous l’impulsion d’Isabel Montserrat, cofondatrice de Sweet Rebels et spécialisée dans les questions liées à la responsabilité sociale des entreprises, évoque Yves Portenier, cofondateur. Pour le mener à bien, nous avons travaillé avec les fondations de Lavigny et de L’Espérance à Etoy.
Nous avons d’abord mené une phase pilote, durant laquelle les résidents de ces instituts spécialisés pouvaient découvrir les activités graphiques liées à notre société. Après avoir constitué une équipe de cinq personnes, nous avons organisé leur venue dans nos locaux pour participer à nos séances et produire du contenu deux fois par semaine.»
Si la démarche s’avère particulièrement engagée sur le plan social et éducatif, elle permet par ailleurs d’ouvrir de nouveaux champs professionnels dans l’expression et la créativité graphique. «Travailler avec ces personnes m’a considérablement ouvert les yeux sur de nouvelles possibilités créatives, souligne Yves Portenier. Car dans notre métier, nous avons tendance à travailler en nous fixant certaines normes et limites.»
UN EXEMPLE DE RESPONSABILITÉ SOCIALE
L’expérience s’avère ainsi très enrichissante,tant pour l’association que pour ses clients. Une clientèle régionale pour qui les talents de Sweet Rebels ont par exemple créé de nouvelles étiquettes pour une marque de boisson romande. Ils ont également conçu une campagne de communication interne pour les Hôpitaux universitaire de Genève ou encore édité une brochure pour le 50e anniversaire du Lions Club de la Côte.
Toujours à la recherche de soutien financier pour finaliser son projet, Sweet Rebels s’avère également proche et sensible au contexte politique et social actuel. Il y a peu, elle a engagé, en tant qu’apprentie graphiste, une jeune réfugiée politique récemment arrivée en Suisse. Une belle démonstration de responsabilité sociale qui devrait inspirer plus d’une entreprise.
En décembre, le design est à l'honneur dans Singularités
Une émission à ne pas manquer - puisqu'elle parle de Sweet Rebels! Originale, des sujets et des personnes qui nous rendent tous plus humains, plus proches de nous mêmes et des autres. Je m'incline devant l'enthousiasme, la joie, la créativité et le coeur que toute l'équipe du studio Ex&Co met à préparer cette émission pas comme les autres.
Etablie à Nyon depuis septembre 2015, l'agence de communication Sweet Rebels veut remettre en avant l'illustration dans le travail graphique en faisant collaborer des étudiants en design et des personnes en situation de handicap mental.
Texte: Cynthia Khottor - Photos: Noho Mokhtor
Sur la grande table du studio trônent des pots de peinture et des feuilles sur lesquelles figurent des mots, tels que compétences, profession, invalidité, lien, action, etc. Pinceaux à la main et vêtues de tabliers de protection, Emilie Adler, Caroline Faivre et Ursula Kuenzi calligraphient ces mots, chacune dans son propre style. Les illustratrices de l'agence de design Sweet Rebels œuvrent à leur nouveau mandat: créer la carte de vœu de l'Assurance Invalidité (Al). Les jeunes femmes se rendent deux après-midis par semaine à l'agence. Le reste du temps, elles fréquentent les institutions de !'Espérance à Etoy et à Lavigny. Lorsqu'elles travaillent dans les ateliers de leurs institutions, elles sont encadrées par des maîtres socio-professionnels, ce qui n'est pas le cas à l'agence Sweet Rebels. Les illustratrices peuvent compter sur le soutien d'Alev Demir et d'Anja Ottiger, deux étudiantes en graphisme et en communication visuelle qui effectuent un stage chez Sweet Rebels. Issue de l'école Créa à Genève, Anja vient tout juste de rejoindre l'équipe de l'agence pour quelques mois, tandis qu'Alev Demir, réfugiée politique kurde ayant quitté la Turquie il y a trois ans, accomplit un CFC de graphisme. Avec beaucoup de passion pour les couleurs et les formes, les designers se mettent au travail.
La particularité de cette agence de communication qui se veut «atypique»? Faire collaborer, sur un pied d'égalité et sans intermédiaire, des personnes en situation de handicap mental et des étudiants en design. Comme l'explique son co-fondateur et directeur artistique, Yves Portenier, qui n'a lui-même aucune formation dans le domaine du travail social, mais qui bénéficie d'une longue expérience dans la publicité et la communication: «Notre objectif est de ne pas faire de différence, de les laisser travailler sans trop les encadrer. » L'ambiance de travail est chaleureuse et bienveillante. Isabel Montserrat, l'autre co-fondatrice, chargée de la gestion et de la coordination de l'agence, demande à l'équipe si elle est d'accord avec le choix de la musique d'ambiance qu'elle souhaite mettre, donnant ainsi davantage de convivialité au lieu dont les murs ont été abattus pour le rendre plus spacieux et agréable. Le choix du nom d'une chanteuse espagnole n'est pas tout à fait anodin. C'est en effet à Barcelone où Isabel Montserrat y effectuait un Master en responsabilité sociale en entreprise qu'est née l'idée de Sweet Rebels. Une structure nommée «La Casa de Carlota» y avait été créée près de cinq ans auparavant dans le but de favoriser la collaboration entre des étudiants en design et des personnes atteintes d'autisme ou du syndrome de Down. «J'ai dit à Yves: tu dois venir voir, c'est vraiment génial!», se remémore Isabel Montserrat, complètement séduite par cette initiative, alors que l'intégration en milieu professionnel reste difficile. «J'ai aussi aimé l'approche créative qui remettait l'illustration en avant dans le processus graphique de manière fraîche et spontanée.» La jeune femme s'est alors demandée si un tel projet serait autorisé en Suisse. Une rencontre avec des responsables de l'AI a permis de donner un cadre et Sweet Rebels a ainsi pu voir le jour, d'abord entre les murs de l'institution de Lavigny, puis dans le lieu actuel à Nyon. En septembre 2015, une phase test a été initiée avec un appel lancé auprès de tous les bénéficiaires de !'Espérance et de Lavigny. Une vingtaine de personnes se sont lancées dans l'aventure. Une «sélection naturelle» s'est ensuite opérée: les plus intéressés, les moins intéressés ou encore ceux qui ne correspondaient pas aux profils recherchés. Comme pour n'importe quel travail! Ici il s'agissait notamment d'avoir un attrait particulier pour l'illustration.
Comme en témoignent les projets exposés sur les quatre murs de la salle, le dessin à la main s'impose comme la touche identitaire de Sweet Rebels. Que ce soit pour créer l'identité visuelle d'une eau gazeuse, réaliser des enseignes pour les Hôpitaux Univesitaires de Genève (HUG ) ou encore imaginer des cartes pour la Saint-Valentin, la «patte Sweet Rebels» se reconnaît à son mélange entre art brut et graphisme. L'équipe se réunit justement dans une salle adjacente autour de l'écran d'ordinateur d'Anja Ottiger. Une fois que les illustrations ont séché, elles sont scannées. Le sujet de la discussion du moment porte sur le choix de la couleur de fond pour un autre projet. Rouge ou noir? Tout le monde est sollicité et la décision tombe rapidement: ce sera noir. «C'est important que nos illustrateurs suivent le processus», explique Isabel Montserrat. «Lorsqu'on modifie la couleur de leur dessin par exemple, ils comprennent de quelle manière leur création s'intègre au mieux dans le projet, ce qui permet d'éviter qu'ils soient vexés par le changement.»
Pour les graphistes, repérer le dessin idéal pour un mandat est un exercice des plus intéressants. L'œil expert du directeur artistique est alors mis à l'épreuve. Isabel Montserrat donne l'exemple du projet d'étiquettes pour la marque Opaline, jus de fruits à l'eau gazeuse. «Parmi tous les dessins de fraise, il fallait en choisir un ou réussir à identifier dans un dessin le détail qui méritait d'être isolé et agrandi.» Au-delà du projet de collaboration, Sweet Rebels donne la possibilité à des jeunes de développer leur passion dans un contexte professionnel. Ursula Kuenzi par exemple, a déjà eu l'occasion de faire du tissage et de la poterie dans des ateliers, «mais j'aime la peinture, le dessin, les craies ... », confie-t-elle. De son côté, Caroline Faivre dessinait déjà à la maison. «Maintenant, je parle beaucoup de mon activité avec ma famille et mes amis», raconte la jeune fille, très enthousiaste. Elle aimerait d'ailleurs inciter d'autres bénéficiaires de Lavigny à se joindre à l'équipe. Mais l'expérience peut en impressionner plus d'un: sortir du cadre rassurant de la famille ou de l'institution et venir seul au travail en transport public peut sembler difficile. Pourtant, l'expérience s'avère enrichissante, d'un côté comme de l'autre (cf encadré). Pour Sweet Rebels, c'est plus particulièrement le regard frais que portent les illustrateurs sur le monde qui peut générer des créations inédites. Ainsi, pour une série d'images animées, l'équipe s'est amusée à illustrer des citations de personnalités ... ou d'eux-mêmes, comme par exemple «Demain,je me lève de bonheur!», une citation sortie de l'imagination de Joaquim. Une autre particularité de Sweet Rebels: elle met des bureaux à disposition et constitue un espace de co-working. S'y croisent un imprimeur, une coach en formation dans le domaine de la thérapie alternative ou des ingénieurs en environnement . Une opportunité pour Caroline Faivre, Ursula Kuenzi, Emilie Adler et Joaquim Hoff de rencontrer des personnes d'autres milieux, notamment lors de l'apéro une fois par semaine. Cette proximité permet aussi à l'agence d'échanger ses compétences lorsque les ressources financières sont limitées. «Tout le monde dit que c'est nouveau et génial, mais de là à passer à l'acte ... », confie Isabel Montserrat.
Permettre aux personnes avec handicap mental de se confronter à la réalité du monde professionnel sans intermédiaire, est-ce trop risqué ou idéaliste? En tout cas, l'agence n'a pas encore reçu de subventions publiques: «Jusqu'à présent, les mandats étaient liés au milieu caritatif, mais nous aimerions nous ouvrir à d'autres secteurs», explique Yves Portenier. Enregistrée en tant qu'association à but non lucratif, l'agence ne peut pour l'instant pas rémunérer ses collaborateurs. Isabel Montserrat et Yves Portenier poursuivent en parallèle leur activité au sein de l'agence de communication qu'ils avaient créée au préalable. En attendant de pouvoir se consacrer pleinement au projet Sweet Rebels.
Chef du département Travail et Accueil de jour à l'Espérance, Joseph Bieri est en charge des ateliers auxquels participent les bénéficiaires dans le cadre de leur institution et notamment de l'atelier Passerelle qui permet à ceux qui le souhaitent de travailler dans une entreprise extérieure. •C'est une opportunité pour les bénéficiaires de se sentir utile et de sortir de leur lieu de vie.• C'est sous l'égide de l'atelier Passerelle que le projet Sweet Rebels a pu être mis en place à !'Espérance. Ce projet, Joseph Bieri l'a accueilli avec enthousiasme, puisqu'il rejoint les valeurs que promeut l'institution: «Plus que l'exigence de rendement, nous nous concentrons sur l'idée du travail comme porteur de sens. •
La confrontation avec la vie active est enrichissante pour les bénéficiaires qui peuvent ainsi développer d'autres types de liens hors de leurs milieux habituels. Mais embaucher une personne en situation de handicap mental est aussi riche d'enseignement pour une entreprise: "Les personnes handicapées sont généralement bien vues, car elles sont entières, respectent le rythme de travail et ont de grandes capacités d'adaptation. Elles n'hésitent pas non plus à dire lorsqu'elles sont contentes, ce qui aide à la cohésion des équipes", explique Joseph Bieri.
Le graphisme intégrateur et joyeux
L’atelier de design Sweet Rebels travaille depuis quelques mois avec des handicapés de Lavigny et de l’Espérance.
Maxime Maillard
Yves Portenier est un créatif au parcours classique: après avoir travaillé dans de grandes agences de communication, il décide de lancer la sienne. A Nyon, il crée Twist en 2008, dans un souci affiché de responsabilité sociale, d’inclusion et de développement durable. Une démarche louable, qui s’inscrit dans la tendance actuelle d’un business branché, engagé socialement, et soucieux de son image.
Mais quelques années plus tard, il approfondit son cheminement, et fonde Sweet Rebels, un atelier de graphisme et de design qu’il veut concrètement intégrateur. Rejoint fin 2013 par Isabel Montserrat, formée à Barcelone à la responsabilité sociale en entreprise, le tandem encadre deux fois par semaine quatre personnes en situation de handicap mental et deux stagiaires en arts visuels. Dont Alev Demir, réfugiée kurde, qui a récemment démarré un apprentissage de graphiste en Suisse.
L’équipe s’est constituée pas à pas depuis septembre 2015, en collaboration avec les institutions de Lavigny et de l’Espérance (Etoy), les écoles de graphisme de la région et le service cantonal des réfugiés. «Nous cherchions une variété dans l’expression, des gens qui puissent s’investir à moyen terme et ayant acquis une certaine autonomie », explique Yves Portenier.
Dans le hall spacieux des nouveaux locaux de Sweet Rebels, à la route de Saint-Cergue, les graphistes en herbe s’activent. Sur la table, des pots de peinture, des crayons, du papier. Joakim Hoff dessine les contours de personnages sur un fond en arc-en-ciel. Bonnet de Noël sur la tête, Ursula Künzi multiplie les étoiles tandis que Caroline Faivre peaufine la rédaction d’une phrase.
Mandat pour les HUG
Des réalisations qui viendront peut-être façonner l’identité graphique d’une institution, d’un commerce ou d’un événement. L’atelier a déjà mis son savoir-faire au service des bouteilles d’eau minérale d’Opaline Factory, du Lions Club La Côte ou de la société d’événementiel 47 Degrees. Dernier mandat en date: une signalétique pour le déménagement des Hôpitaux universitaires de Genève dans leur nouveaux bâtiments. Plusieurs affiches ont ainsi été créées à partir des dessins des quatre pensionnaires de Lavigny et de l’Espérance. «Le but, c’est qu’ils aillent où leur élan les porte; souvent, c’est très bon parce que c’est simple, une qualité essentielle pour un message publicitaire. »
De l’aveu d’Isabelle, l’activité collaborative en atelier a un effet positif sur les personnes handicapées. «Au début, elles ne voyaient que ce qu’elles faisaient; et au fil du temps, en les incitant à réagir, en les emmenant voir des expositions (ndlr: comme à la Collection de l’Art Brut de Lausanne). Ça nourrit leur imaginaire et elles s’ouvrent au travail des autres.»
Si les synergies créatives vont bon train, les deux entrepreneurs ne cachent pas leurs difficultés financières. «Quand on a lancé le studio, on se disait que l’activité de Twist permettrait de supporter les frais de Sweet Rebels.» Sauf qu’une grosse baisse d’activité est passée par là, les obligeant à vivre sur leurs économies.
Opération crowdfunding
Et les demandes de subventions effectuées auprès de la Confédération ou de Nyon n’ont pas abouti. «Daniel Rossellat nous a dit que la ville ne pouvait pas subventionner une entreprise. On ne rentre pas dans les cases administratives, car nous ne sommes pas une institution. » C’est pourquoi une opération de crowdfunding a été lancée sur les réseaux sociaux il y a quelques semaines. Histoire de payer le loyer et les salaires. Pour l’heure, les rétributions perçues par les personnes en situation de handicap sont prises en charge par Lavigny et l’Espérance selon les tarifs pratiqués en atelier protégé (entre 40 centimes et 1,50 franc de l’heure), leur survie financière étant assurée par l’assurance- invalidité.
Eviter la faillite, poursuivre l’aventure coûte que coûte, c’est ce à quoi s’attelle l’équipe, en créant des gifs animés sur Facebook en soutien à la collecte de fonds. Chaque semaine, ils y proposent une pensée du jour, inspirée d’une citation célèbre. «La créativité, c’est l’intelligence qui s’amuse» (dixit Einstein) est ainsi devenue: «Quand quelqu’un est heureux, il pense à beaucoup de choses».
Economie sociale Un atelier de design professionnel emploie des jeunes en situation de handicap. Une démarche pionnière en Suisse.
Raphaël Ebinger
Autour de la grande table, une drôle d’équipe travaille à la création des futures contreparties que recevront les donateurs d’une prochaine campagne de financement participatif. Guidés par deux professionnels, quatre jeunes doivent imaginer la forme, le design et le slogan pour ces cadeaux. Tous souffrent d’un handicap mental plus ou moins prononcé et certains sont résidents dans des institutions, à Lavigny ou à l’Espérance à Etoy. Ensemble, ils forment le studio professionnel de design Sweet Rebels, qui vient d’ouvrir ses portes à Nyon.
Le projet est né de la rencontre entre le designer Yves Portenier et Isabel Montserrat, qui a fait carrière dans l’art et l’horlogerie, notamment. Au sein de leur agence de communication et de publicité Twist, ils ont développé la responsabilité sociale en entreprise, une discipline dans laquelle Isabel Montserrat a terminé une formation récemment. Mais les deux compères voulaient aller plus loin que les mots et mettre en pratique leurs valeurs. Ils ont alors repris un concept né à Barcelone qui a donné naissance à Sweet Rebels en fin d’année dernière.
«Nous souhaitons utiliser les capacités particulières de nos jeunes dans le domaine du graphisme», explique Yves Portenier. Dans les faits, Sweet Rebels – «doux rebelles» en français – pousse l’intégration sociale des membres de son équipe très loin. Pas de maîtres socioprofessionnels dans les locaux de l’atelier. L’équipe est libre dans sa phase de création. «J’ai gagné en confiance depuis que j’ai intégré Sweet Rebels, admet Caroline Faivre. Je me suis épanouie en pouvant montrer mes compétences pour le dessin. Cette activité est très valorisante.»
Avec ses camarades, elle rejoint par ses propres moyens, deux après-midi par semaine, les locaux de la route de Saint-Cergue à Nyon. «Il y a une volonté d’autonomisation de l’équipe, explique Isabel Montserrat. Et symboliquement, le trajet jusque dans nos locaux est important. Ils doivent avoir l’impression d’aller au travail.»
Une fois réunis dans la salle de création, ils participent à une séance de brainstorming sur des thèmes choisis par les deux professionnels. Un stagiaire, étudiant en fin de cursus dans le domaine des arts visuels appliqués, est aussi présent. «Nous prenons ce qui se passe au gré des idées des participants. Ce qui ressort n’est pas toujours ce que nous avons imaginé», reconnaît Yves Portenier. Le designer reconnaît que la confrontation à la créativité du groupe bouscule les habitudes et les certitudes acquises durant sa carrière.
Ensuite, les quatre jeunes designers dessinent et parfois écrivent. L’ensemble de la production de la séance est finalement réuni. Les professionnels s’en servent pour reconstruire des visuels atypiques et forts en identité. Le produit final ressemble à de l’art brut, très épuré et un peu enfantin mais joyeux.
Partout en Suisse
Quelques sociétés en ont déjà profité, comme la marque de boissons valaisanne Opaline, qui a confié à Sweet Rebels la conception visuelle de sa nouvelle limonade destinée au marché suisse. Le Lions Club La Côte lui a confié l’élaboration d’un livret pour ses 50 ans. «On a l’habitude de communiquer avec beaucoup de mots, remarque André Poulie, membre du club service. La proposition de Sweet Rebels a l’avantage d’être pointue, directe, fraîche et originale. C’est la quintessence du message.»
L’autre grand atout de la production de Sweet Rebels est l’impact social. Les sociétés qui travaillent avec l’atelier nyonnais peuvent en effet communiquer sur la démarche qui a conduit à sa production.
Reste que Sweet Rebels n’est pas viable pour le moment. «Nous sommes à la recherche de mandats pour réussir à autofinancer le projet», souligne Yves Portenier. Aujourd’hui, les deux professionnels font du bénévolat et investissent les bénéfices de leur agence dans la démarche sociale. C’est pourquoi une campagne de financement participatif devrait être bientôt lancée. (24 heures)
Crowdfunding pour handicapés à Nyon
Le studio de design graphique Sweet Rebels à Nyon, s’est lancé le 1er septembre dans une campagne de financement participatif (crowdfunding sur le web) en collaboration avec la plateforme Fundeego en phase de lancement (fundeego.com).
L.P.
C’est une démarche courante pour de nombreuses start-up. Mais pas dans ce cas. Sur les huit personnes de l’équipe, quatre sont en situation d’handicap. L’apprentie graphiste est une réfugiée politique kurde qui a été accueillie depuis cet été.
Le projet a démarré avec une phase pilote à Lavigny, fin septembre 2015. Deux professionnels, Yves Portenier et Isabel Montserrat encadraient alors une dizaine de personnes.
L’activité a débuté en mars et l’association Sweet Rebels a été constituée en mai. «Après plusieurs recherches de financement ou de subventions vaines, nous avons lancé cette campagne de crowdfunding pour financer le lancement et pour assurer la pérennité.
Nous avons démarré avec nos propres ressources, principalement, mais elles arrivent à épuisement. Ce projet novateur demande selon nos estimations, 2 à 3 ans d’activités pour arriver à un équilibre et une autonomie financière», explique Yves Portenier.
Au sein de l’équipe créative, chacun apporte des capacités et des talents différents et uniques, qu’il soit en situation de handicap, étudiant en arts graphiques ou qu’il dirige la création artistique. Tous sont créatifs et travaillent sur le mode collectif. Le studio offre des prestations professionnelles en design graphique, toujours pleines de fraîcheur, d’esprit positif et de joie. Ces créations ont un impact social, puisqu’elles permettent l’inclusion sociale et professionnelle dans un métier lié à la création.
Contrairement aux dons classiques, le crowdfunding se base sur un esprit d’échange. Sweet Rebels propose en contrepartie des participations des «crowdfunders», une série d’objets dont le design a été créé par le studio.
L’AGENCE TWIST A CRÉÉ UN STUDIO DE DESIGN ATYPIQUE, QUI VISE À LANCER UNE COMMUNAUTÉ GÉNÉRATRICE D’IMPACT SOCIAL INTÉGRANT DES JEUNES CRÉATIFS EN FIN DE FORMATION ET DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP MENTAL DOTÉES DE TALENTS ARTISTIQUES. UNE NOUVEAUTÉ EN SUISSE ROMANDE.
Victoria Marchand
Tout le monde peut prétendre travailler de manière éthique, encore faut-il le prouver. Partant de ce constat, Yves Portenier, fondateur de l’agence Twist, et son associée Isabel Montserrat, spécialiste en responsabilité sociale en entreprise, ont cherché la manière d’ouvrir leur agence de communication à cette problématique. Pour ce faire, ils se sont inspirés d’une expérience originale imaginée à Barcelone : La casa de Carlota, un studio de design qui réunit des étudiants et des personnes ayant un handicap.
On est créatif ou on ne l’est pas !
« Le digital a profondément changé la manière de communiquer, analyse Isabel Montserrat. Les consommateurs attendent de la proximité, de la transparence de la part des marques. Il faut repenser la manière de faire de la publicité. C’est ce que nous voulons faire en mélangeant des publicitaires avec des personnes ayant des talents créatifs mais étant totalement hermétiques, en raison notamment de leur handicap, aux notions de marché et de marques. L’idée est de revenir à l’essence du message. »
C’est donc sur ce concept que le studio Sweet|Rebels a été conçu en parallèle à l’agence Twist. « Le but n’est pas de créer une structure à moindre coût, précisent ces deux professionnels. Nous ne sommes pas un ONG mais bien une entreprise. » Pour autant, pas question de faire n’importe quoi. « Nous sommes passés par des institutions afin de trouver des jeunes handicapés ayant un intérêt pour le dessin. Nous en avons sélectionnés cinq et nous les retrouvons pour des ateliers deux après-midis par semaine. Ils sont rémunérés et peuvent en tout temps arrêter. » La direction artistique se fait sous la houlette d’Yves Portenier, un DC senior. « Cette approche est très exigeante, commente-t-il, car on ne peut juste présenter le brief et attendre des idées. Mais le résultat est très enrichissant pour tous les participants et surtout très novateur pour les marques. »
Soucieuse de garder une approche éthique, Isabel Montserrat a entamé un processus de certification de l’agence et du studio. « Notre but est de proposer une meilleure intégration des jeunes diplômés et des personnes étant exclues du marché du travail en raison de leur handicap, ou de leur provenance ; en effet, la prochaine étape sera d’intégrer des réfugiés qui ont une formation de graphiste. On ne peut prôner à tout moment que la société digitale sera participative et ne pas l’appliquer dans le réel. »
Premiers mandats
47 degrees, qui organise des vols paraboliques, est le premier client de Sweet|Rebels. « Il s’agissait de concevoir le logo pour cette société qui propose des vols en apesanteur. Le résultat est à la hauteur des attentes : aucune agence n’aurait imaginé proposer sur le logo le bonhomme qui représente l’euphorie que l’on ressent lorsque l’on défie les lois de la gravitation. Le client a adoré. » Actuellement, les Sweet Rebers planchent pour une étiquette pour la marque de jus de fruits valaisanne Opaline, qui souhaite lancer une gamme de limonade. « Nous avons pu proposer plusieurs pistes, la validation et le choix par le client est encore en cours. »
Force est de constater que l’on est bien loin des traditionnels calendriers de Noël de certaines institutions. « Ce n’est pas à la marque de s’adapter mais bien l’inverse, recadre Yves Portenier. Cela représente un travail de direction artistique pour faire la sélection des idées et de les traduire en concept publicitaire. Une démarche qui demande du temps, mais qui apporte une énorme satisfaction à tous les participants. »
Au-delà de l’approche humaine, peut-on parler de niche de marché ? Yves Portenier est très clair à ce sujet. « Je pense qu’il y a une place pour un tel studio car les marques vont devoir de plus en plus montrer leur côté éthique. Sweet|Rebels est un laboratoire qui permet de sortir des sentiers battus et d’oser communiquer autrement. » Mais il ne s’agit pas de se donner bonne conscience. « Cette démarche est très exigeante pour les marques, car elles doivent se montrer à la hauteur des idées de ces jeunes créatifs. »
TWIST : UNE AGENCE NYONNAISE
Yves Portenier a un long parcours de DC, fonction qu’il a exercée dans des réseaux internationaux (Saatchi & Saatchi Genève), en agence locale (Rive Gauche), ainsi qu’au sein de sa propre agence (Angebault-Portenier Communication, Twist). Désormais installé à Nyon, il privilégie le modèle d’une petite structure pouvant s’appuyer sur un réseau de professionnels. Ses clients actuels sont : ASP, Clinique Générale Beaulieu, Induni, Elsa, Ensemble Hospitalier de la Côte.